27 juin 2007
Rue Monsieur-le-Prince (Paris 6e, aujourd’hui)
Il ne fait pas très beau ce 27 juin et je passe rue Monsieur-le-Prince. Il y a sauterie sérieuse à la Sorbonne. Mon ami Vincent soutient son «HDR», habilitation à diriger des recherches si vous préférez. Ça promet d’être brillant. Mais ce n’est pas à cela que je pense en passant rue Monsieur-le-Prince, comme à chaque fois rue Monsieur-le-Prince. Qu’est-ce que je suis venue chercher rue Monsieur-le-Prince, trottoir de droite en remontant vers le Jardin du Luxembourg, devant le numéro 20 ?
J’ai 16 ans. Petite ville de province et milieu social très épargnés. J’ai 16 ans, beaucoup d’illusions et rien ni personne pour les contredire. Je fais des manifs bon enfant dans la petite ville de province. J’entends parler pour la première fois de la rue Monsieur-le-Prince à la radio un matin de décembre 1986. C’est un joli nom la rue Monsieur-le-Prince. Cette nuit-là, rue Monsieur-le-Prince, un jeune homme de 22 ans a été battu à mort par les forces de l’ordre. Il rentrait chez lui, ne demandait rien à personne rue Monsieur-le-Prince. Il était juste là au mauvais moment au mauvais endroit. La mauvaise nuit, rue Monsieur-le Prince. Ce matin de décembre, mes douces illusions de jeune fille qui fait des manifs en province, prennent tout à coup une gravité qu’elles n’auraient jamais dû connaître.
27 juin 2007. Je suis rue Monsieur-le-Prince, il y a sauterie à la Sorbonne. Malik Oussékine aurait eu 43 ans. Son nom ne dirait rien à personne. J’aurais oublié ce petit-déjeuner et les nouvelles du 7 décembre 1986 à la radio. J’aurais photographié autre chose ou rien sur le trottoir de la rue Monsieur-le-Prince. Nous sommes en juin 2007.
Publicité
Commentaires
M